Palermo, Palermo (création le 17 décembre 1989)
Cette production est une co-production entre la ville de Palermo et le Tanztheatre de Wuppertal.
La ville de Palermo a un maire qui se nome Leoluca Orlando. Orlando avait rencontré Pina a l`occasion d*une tournée de la compagnie en Sicile, et ils sont devenus amis. Tout les deux étant des personnages remarquables, cela me semble tout á fait normal.
C`est ainsi que le projet dune co-production est né, et que nous nous sommes retrouvés á passer trois semaines dans cette ville pour nous laisser imprégner par la vie sicilienne et ses habitants.

Leoluca Orlando a obtenu son premier mandat de maire en 1985 et gardera son poste jusqu’en 1990. Pendant ce premier mandat, il se fera remarquer par son action anti-mafia et sera lui même sur la liste des hommes á abattre après Falcone et Borsellino.
Il sera á nouveau élu maire en 1993 et va démissionner en 2000 pour briguer la présidence de la Sicile, ce qu`il ne parviendra pas á obtenir. En 2012 il sera facilement réélu pour la quatrième fois de sa carrière. Il obtiendra la prix de la Paix Erich-Maria-Remarque en 2015.
Il est actuellement, en 2020, toujours maire de la ville depuis 2016.
De nombreuses années plus tard, je vais avoir la grande chance de rencontrer le grand acteur et metteur en scène Sicilien Lollo Franco et de travailler avec lui. Je vais ainsi vivre deux mois dans cette ville fascinante et entendre beaucoup d`anecdotes sur cette ville. Ce n`est pas mon propos ici de les raconter, mais cette période m`a permis de rencontrer une fois de plus Orlando, et surtout de me rendre compte á quel point le fait qu`il soit encore en vie et toujours maire de cette ville si difficile á diriger, tient du miracle.

Je raconte ici ces quelques notes sur ce personnage vraiment particuliers pour expliquer en quoi cette rencontre entre lui et Pina peut-être qualifiée de « rencontre entre des personnages remarquables ». Peut-être cela explique-t-il pourquoi cette pièce « Palermo  Palermo» est aussi une pièce remarquable..

Le décor est déjà en soi une chose qui aura animé beaucoup de commentaires et d`histoires. Lorsque le public rentre dans la salle, la scène est cachée par un grand rideau de scène ce qui est une chose bien rare dans le répertoire de Pina (où unique ??)……..
Puis, lorsque le spectacle commence, le rideau s’ouvre et le public se retrouve devant un grand mur qui occupe tout l`espace, comme un second grand rideau en béton..
Peu á peu le spectateur a l’impression que ce grand rideau en béton est en train de bouger. et, devant le regard ébahis du public, le mur oscille doucement vers l’arrière jusqu’à s`écrouler dans un grand fracas en soulevant beaucoup de poussière. Les débris répandus sur toute la scène vont désormais constituer le décor pendant toute la pièce.
L’effet est unique et vraiment impressionnant. Bien sur, cette chute du mur n’est plus un secret pour personne et la plupart des gens savent ce qu’ils vont voir, mais le jour de la première, alors que personne n’était au courant, la stupéfaction des spectateurs a été énorme.

Quelques jours avant la première, le monde a vécu la chute du mur de Berlin. Bien entendu, beaucoup de personnes, sinon tout le monde a vu une connexion entre cet événement et le choix de Pina de faire écrouler son mur pour en faire le décor de Palermo Palermo. Pina et Peter Paps, le réalisateur des décors de Pina, disent qu’ils n’en est rien, et que cette idée de décor n’a absolument rien á voir avec le mur de Berlin; d’autant plus que la pièce, traitant de la ville de Palermo et de ses habitants, la relation entre les deux n’aurait aucun sens.
C`est la vérité, et il ne s’agit que d’une coïncidence. La chute du mur de Berlin ne s’est passée que quelques jours avant la première et la préparation de la chute d’un si grand mur de béton dans une salle de spectacle, avec un parterre remplit de spectateurs n’est pas une affaire que l’on improvise en quelques jours. Cela a demandé toute une étude logistique pour être certain qu’il n’y aurait aucun danger pour le public et les danseurs qui attendent dans les coulisses proche de la chute. Bien sur il a fallu aussi s’assurer que cette chute ne pouvait en aucun cas représenter un danger pour l’équipement du théâtre.

Par contre, lorsque je pense á certains quartiers de Palermo avec ses multiples maisons, soit en voie de construction mais inachevée, soit en voie de destruction mais tout aussi inachevée, je pense que le décor choisi par Pina et réalisé par Peter Paps est une idée assez géniale.

Après la représentation de la première, Orlando qui était assis á coté de Pina, se penche vers elle et lui demande avec un sourire: « is our town so bad ?.. »

Quoiqu’il en soit, la pièce a finalement rencontrée l’unanimité tant auprès du public palermitain que ailleurs dans le monde et « Palermo Palermo » nous a souvent accompagné dans nos tournées.