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dancing|acting          withPina                            Bandoneon

-leer-

La création suivante que nous avons faite avec Pina en décembre 1980, était « Bandonéon ». En matière de réaction d’incompréhension du public vis á vis d’une pièce de Pina, je crois pouvoir dire que « Bandonéon » a gagné la palme du répertoire.

Mais revenons aux origines de cette pièce. Au cours d’une tournée en Amérique du Sud en fin de saison 1979-80, nous avons passé quelques temps á Buenos-Aires en Argentine.

Ce fut l’occasion de visiter et faire connaissance avec le monde du tango et le fameux « Bar Sur Union Bar » á San Telmo, lieu mythique où Carlos Gardel entre autres se produisait.

Je me souviens d’une grande salle avec pleine de tables et chaises vides qui me rappelle notre « Café Mueller ». Une joueuse de bandonéon accompagnée d’un pianiste et quelques spectateurs pour la plupart des hommes, semblaient faire partie des meubles comme les figures de cire d’un musée. Peu de paroles, de temps en temps un couple se formait pour danser un tango sans passion.

Tout ce monde magnifique de tristesse et de nostalgie semblait attendre l’on ne sait quoi et même l’espoir que ce « on ne sait quoi » ressurgisse n’existait plus depuis longtemps: il se dégageait une atmosphère lourde.

Comme notre hôtel ne se trouvait pas très loin de ce bar, j’y suis retourné quelques fois et parlant couramment l’espagnol, moi et quelques danseurs de la compagnie avons échangé quelques mots avec les habitués qui nous avaient remarqués.

En conversant avec ces personnes, je compris qu’á cette nostalgie propre au monde du tango, se rajoutait la dépression dûe á la grosse crise économique qui frappait le pays, et bien sûr, comme toujours dans ce genre de situation, le peuple le moins fortuné.

 

Avec sa pièce « Bandonéon », Pina a voulu recréer cette atmosphère d’attente pesante d’un quelque chose d’indéfinissable qui ne semble jamais venir.

Je me souviens avoir trouvé dans les écrits de ma mère cette petite phrase griffonnée que je n’oublierai jamais:

« La vie, c’est de tout petits moments de bonheur et pour le reste, on attend.. »

Je ne sais pas si cette phrase est d’elle ou si elle l’avait copiée d’une lecture, mais elle exprime tellement ce que nous avons vécu dans cet Union Bar, et ce que l’on ressent pendant ces trois heures de « Bandonéon ».

Le décor est un bar parsemé de petites tables et de chaises, comme dans Café Muller. Pendant ces trois heures, des scènes très lentes vont se répéter comme si le temps se ralentissait et á part quelques moments de vie, tous sur scène, perdus dans nos rêves et nos souvenirs, nous attendons… 

Les réactions du public qui ne supportait plus d’attendre ont été parfois houleuses et je me souviens particulièrement d’une anecdote arrivée au cours d’un spectacle á Wuppertal.

Nous étions en plein spectacle et les scènes se suivaient donc á un rythme épuisant de longueur et de répétitions. Nazareth Panadero, une danseuse, se présente pour la troisième fois devant le micro au devant de la scène et commence á lire maladroitement et très lentement un poème sur le printemps.  N’y tenant plus, un spectateur des premières rangées se lève et monte sur scène.

Nazareth qui, dans la réflexion des lunettes qu’elle porte, le voit se tenir derrière elle, quitte la scène effrayée par cette intrusion. Le spectateur qui se retrouve tout seul sur scène devant le public qui le regarde, ne sachant que faire, se saisit d’un seau plein d’eau qui avait été utilisé dans une scène précédente et qui était toujours posé á coté du micro, et jette l’eau sur les spectateurs devant lui. Puis il s’excuse en disant il fallait bien qu’il fasse quelque chose et, il sort de la salle.

L’incident étant clos et les premiers rangs bien arrosés, la représentation a continué comme si de rien n’était.

Cette pièce a vécu d’autres déboires de ce style, mais le coup du seau a été le plus marquant.