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La Clinique de Saumery danse (Octobre 2014)
En 2014, je reçois un appel de docteur Amaro de Villanova qui me demande une entrevue pour me présenter un projet d’atelier de danse-théâtre dans la clinique dont il est le directeur. Nous avons convenu que j´adapte mes interventions en fonction de mon emploi du temps pour les autres activités de ma vie professionnelle et de ma vie familiale. Comme j´avais la chance d´être déjà très actif tant en tant qu´enseignant, danseur acteur, et chorégraphe, il ne m´était pas facile de venir souvent proposer mes ateliers á la clinique. Mais je parvins et continue á garder une fréquence d´une semaine d´ateliers tout les deux mois en moyenne. Intuitivement, il m´a été clair depuis le début, qu´il serait erroné que je me considère et me présente comme un thérapeute, ce que je n´étais de toutes façons en aucun cas.
1 - Concept du Projet L´idée initiale du projet était de proposer un atelier de danse-théâtre au patients et aux soignants de la clinique avec l´intention de continuer de manière régulière cette proposition pour établir une activité permanente de danse dans les activités culturelles proposées dans cette clinique. Si cette idée montrait des résultats satisfaisants, c´est á dire si des patients montraient un certain intérêt et si les thérapeutes constataient que cette activité avait un effet positif sur leurs patients, la seconde étape était de développer un lieu de travail spécifique pour cette activité, studio de danse pour classes et répétitions, mais aussi une salle polyvalente pour permettre de proposer un programme de danse, de théâtre, et de musique ouvert aux patients ainsi qu´au public extérieur. Les effets bénéfiques qu´un tel projet pouvaient permettre d´obtenir étaient multiples et envisagés sur plusieurs plans. Il m´a été donné de constater que: - Le travail de la danse et de la danse-théâtre donne aux patients la découverte d´un nouveau langage d´expression par lequel ils peuvent parfois mieux s´exprimer qu´á travers le langage parlé. L´utilisation de la musique est un facteur qui aide énormément á faire accepter les exercices, et les propositions chorégraphiques. La musique est un langage très apprécié par les patients en difficultés psychologiques. Les commentaires des patients au sujet des huit premieres journées de travail que nous avons faites en octobre 2014 confirment ce qui a été écrit auparavant. Un compte-rendu de ces commentaires ainsi que de toutes les séances réalisées depuis le début 2014 jusqu´á ce jour en 2020 a été fait. - La découverte d´un nouveau sujet d´intérêt peut dans certains cas être source de nouvelles motivations. Ces nouvelles sources de motivations peuvent elles-même aboutir á une ouverture sur le monde extérieur (extérieur au milieu hospitalier ou de la clinique). C´est ce qui semble s´être passé avec deux patientes qui après avoir suivi le premier stage de danse déclaraient avoir découvert le grand plaisir de danser. Leur enthousiasme a perduré car elles sont revenues suivre mes cours á chaque occasion et surtout, se sont inscrites pour participer á un cycle de stage de danse organisé dans la ville pour tout public. - L´aménagement de nouveaux locaux et espaces scéniques n´a , á ce jour, pas pu encore être réalisé. Il devrait: -- permettre á l´activité danse et expression de pouvoir se développer sans empiéter sur les locaux et emploi du temps des autres activités, ainsi les autres activités déjà en fonctionnement continueraient leur développement sans restriction nouvelle. -- permettre la possibilité de projet de résidence d´artistes avec la réalisation d´oeuvres scéniques qui seraient présentées sur place. Cela permettrait la participation éventuelle de patients aux spectacle présenté, la possibilité pour les patients de la clinique d´avoir un programme culturel á domicile, et aussi d´ouvrir la clinique á la visite d´un public venant de l´extérieur. Á travers la danse et les spectacles nous espérons voir se créer un échange d´information et de vécu commun qui a toute les chances d´être profitable tant aux patients et soignants de la clinique, qu´au public habituellement pas concerné par ce genre de lieu et de personnes, « Connaître permet de mieux ressentir et de mieux comprendre; mieux ressentir permet de mieux s´ouvrir aux autres ».
2 - Organisation et Acteurs de ce projet En 2014, le Docteur Amaro de Villanova avait réuni trois personnes pour la réalisation pratique de ce projet: - Fanny Prouvé, psychométricienne de profession (á l´origine spécialisée dans le suivi des enfants autistes). Fanny Prouvé travaillait aussi en dehors de ce projet en tant que thérapeute psychométricienne pour les patients de la clinique. Elle avait donc un contact permanent et pratique avec les patients ce qui permettait de garder un suivi de la relation que les patients développent avec leur activité dans le travail que nous faisons lors de mes visites et stages. Il en est de même pour Marion Blondelle qui proposait une activité de danse hebdomadaire lorsque je n´étais pas là. La répartition de notre travail dans ce projet s´est établie pratiquement d´elle-même: - Je dirigeais les stages de danse et danse théâtre lors de mes visites á la clinique, assisté par la présence et le travail de Fanny et Marion. Ceci se faisait en fonction de la disponibilité que me permettait mon emploi du temps personnel. Jusqu´á maintenant j´ai pu proposer une visite de huit journées de stage tous les deux mois. Le détail de ces journées de stage seront décrites plus loin. - Fanny associait á son travail et ses séances de psychomotricité avec les patients une possibilité de développer les choses travaillées pendant les stages avec moi. Il s´agit dans ces cas de séances individuelles. Les idées et choses élaborées pendant ces séances individuelles me sont présentées quand l´occasion se présente et nous essayons ensemble d´en faire des scènes de danse-théâtre. - Marion proposait, une fois par semaine, un travail du mouvement ouvert surtout sur l´expression libre du mouvement ce qui est une bonne complémentarité au travail que je propose lors de mes visites. Après deux années d´activité, Fanny Prouvé a quitté notre petite équipe. Son travail avec les enfants autistes, qui est la spécialité á laquelle elle se consacre, ne lui laissait plus le temps de venir á Saumery. Le projet a donc continué á deux, Marion et moi-même. Marion a développé son approche personnelle avec les patients. Elle leur propose des massages individuels, et propose son cours de danse dans lequel l´improvisation joue un rôle important. Son travail se démarque du mien dans la mesure où le travail du corps (« les Exercices de Monsieur Jean ») et les ateliers que je propose sont d´un type plus structurés que le travail que propose Marion. Le grand avantage de cette différence est que les patients ayant plus besoin de structures pour se laisser guider dans la danse s´y retrouvent dans mes cours, et ceux qui ont un plus grand besoin de liberté pour approcher la danse, préfère les cours de Marion. En fin de compte nous parvenons á réunir les deux tendances en un groupe de personnes qui se réjouissent de découvrir la danse. ………. L´expérience montre que beaucoup de patients qui n´osaient pas venir á l´atelier de danse-théâtre avec moi, ont commencé avec les massages chez Marion puis, rassurés par les propos de Marion sur ce qui se passe aux ateliers sont finalement venus á ma prochaine visite. Une bonne situation de complémentarité entre deux modes d´approche différents.
- 3 - Les caractéristiques du travail du mouvement que je propose La journée de stage que je propose se divise en deux parties distinctes: - Une partie principalement axée sur le travail et la découverte du corps avec des exercices simples réalisables par tout le monde. Les personnes qui ont des difficultés sont aidées par Marion et Fanny, tandis que je me charge de la conduite de la séance. Cette partie est proposée le matin ente 10:00 et 11:45. Les exercices que je propose sous une forme de séquence que je conduis par la voix et que nous réalisons ensembles portent le nom de « Jansantaiso » (traduction du japonais: « Les Exercices de Monsieur Jean ».
—————— Préliminaires - JANSANTAISO (Les Exercices de monsieur Jean) Le but des exercices de Jansantaiso est d´amener les personnes en état d´esprit et de conscience de leur corps. Il s´agit avant tout de préparer la personne á retrouver la verticale de son corps et sa relation Terre-Ciel de la manière la plus efficace possible et avec le plus de plaisir possible. Le but recherché est de parvenir en fin de séance á se tenir en position debout stable, tranquille et sereine, de sentir son axe vertical réaliser une relation spirale Terre-Ciel libérée de tensions et crispations qui perturbent la relation qu´une personne peut avoir, avec son propre corps et, par delà, la réalisation du mouvement. Le but est donc une bonne station verticale de manière á se mettre dans les conditions de travail du corps les plus favorables pour une efficacité et un plaisir optimal. C´est la raison pour laquelle je préfère commencer les Jansantaiso par une courte séquence en position debout. Une certaine manière de ressentir le « avant », que l´on pourra comparer á « l´après » une fois les exercices au sol réalisés. Nous ferons donc des préliminaires en station debout. Ces préliminaires nous amènerons au sol. Associer la notion d´élongation et celle de spirale, dans le contexte d´une relation Terre vers le Ciel est le principe de base de mon enseignement dans le travail du corps quelles que soient les personnes á qui il s´adresse. La réalisation en force, la douleur, le dépassement des limites de son propre corps sont bannis de ce travail. Il s´agit avant toute chose que le participant apprenne á développer une relation paisible et constructive avec son propre corps. Je répète souvent que: »notre propre corps est notre meilleur ami, aussi il est bon d´être gentil avec lui ». Les réactions á cette séance de travail sont variables. Mais dans l´ensemble il semblerait que ceux qui s´y essayent , y prennent plaisir et y reviennent. Je pense cependant que ce genre de travail lent et profond a plutôt tendance á séduire plutôt les adultes que les adolescents, qui eux ont un plus grand besoin de mouvements énergiques Souvent, j´ai eu des patientes qui avaient fait de la danse dans leur jeunesse, ou bien continuaient de la pratiquer ou comme M. avait fait une trentaine d´années de compétition de gymnastique artistique. Ces personnes sont toujours extrêmement heureuses de retrouver un monde et un langage qu´elle connaissent bien et vivent les moment de cours et d´ateliers comme des instants de prédilection qui les amènent loin des pesanteurs de l´atmosphère de la clinique. —————— l´atelier créatif La deuxième partie de la journée se déroule après le repas de 14:00 á 16:00. Cette partie est plus consacrée au plaisir du mouvement de la danse, á la créativité et á l´expression par le mouvement. Il y a diverses formes de pratiques qui chacune éveille des plaisirs et des intérêts différents. Je passe de l´une á l´autre pour que chacun puisse y trouver son compte. - danser tous ensemble sur une musique bien rythmée une chorégraphie simple proposée par moi même et apprise par tous est souvent le moyen le plus direct pour éveiller le plaisir de danser. Il est important ici de ne pas mettre les participants en situation d´échec. Une répétition patiente et obstinée des mouvements permet de montrer que « si on n´abandonne pas, les résultats arrivent ». La première réaction des non initiés est toujours: « je n´y arriverai pas! » Je me suis rendu compte que le fait de parvenir á danser une chorégraphie avec plaisir, après une heure de répétitions assidues, donne aux participants un très agréable sentiment de réussite ce qui dans le cadre de notre travail est, il me semble, un point essentiel pour une évolution de leur état vers le « mieux être ». - réaliser des chorégraphies avec le matériel gestuel et de mouvement que chacun va avoir l´occasion de proposer. Cette direction de travail correspond au travail sur les formes, le mouvement, le timing, l´espace et la petite fleur, selon les principes et directions de recherche que j´ai élaborés á partir de mes expériences de danseur et de chorégraphe -(pour des informations plus précises sur ce travail, voir la brochure y correspondant) - mise en scène de courtes séquences de danse théâtre avec le matériel créé par les participants á travers des propositions de ma part: Suivant la méthode que j´ai découverte et pratiquée de nombreuses années pendant mon travail avec Pina Bausch au Tanztheatre de Wuppertal, je propose des sujets de composition aux participants et je leur demande, de me présenter des petites scènes, ou bien des mouvements en relation avec les questions posées. Ils ont un certain temps de réflexion et d´élaboration avant de montrer ce qu´ils ont imaginé et construit. Ils ont la possibilité d´utiliser les autres pour composer leur idées ou souvenirs. Parfois les questions font appel á des souvenirs personnels, parfois uniquement á leur imagination. Toute forme de langage est acceptée (voix, paroles, mouvements, gestes, composition théâtrale, chansons etc…) et il n´y a pas de mauvaise réponse. Les idées de scène, les scènes de danse théâtre, les mouvements et séquences de mouvements qui sont travaillés tout au long de toutes ces expériences de recherche chorégraphiques sont mémorisés et notés par nous dans le but de pouvoir en fin de semaine de stage, présenter une petite scène dansée dans l´un des espace de la clinique. Lorsque j´ai commencé, le Docteur Antoine Fontaine, médecin psychiatre en chef de la clinique, et par la suite directeur de la clinique, m´a dit: « Jean, mon grand rêve , c´est de voir toute la clinique et les personnes qui s´y trouvent danser, des dames de services de la cuisine au jardiner, en passant par tous les patients « . De l´une de mes visites á l´autre, le matériel des petites représentations est conservé en mémoire, dans le but de éventuellement l´utiliser plus tard pour la construction d´une pièce qui serait présentée devant un public. Le groupe de patients a présenté un petit spectacle d´une quinzaine de minutes devant un public de patients, parents et visiteurs du colloque organisé par Antoine et Amaro. Les sourires de chacun lors des applaudissements chaleureux fût une récompense magnifique que je ne suis pas près d´oublier. 3 - Sur le terrain Le but essentiel du travail est d´amener le patient á se sentir mieux, á découvrir la relation et la conscience de son corps et du mouvement, á découvrir le plaisir de bouger et de contrôler ce que l´on fait. Autant les pensées et les émotions qui occupent l´esprit ont une influence sur le corps et sur la manière de se tenir et de se mouvoir, autant les positions du corps et les mouvements que l´on va amener á faire aux patients vont avoir une influence sur son esprit. Exprimé de façon simpliste, autant un conflit avec le monde extérieur va entrainer une réaction de repli sur soi même, autant la mise en position verticale, bras ouverts sur l´extérieur, associé á une sensation d´énergie spirale de terre vers le ciel, va pouvoir contribuer á une évolution vers une réconciliation avec le monde extérieur. Cette réflexion m´aide dans l´orientation des sujets de créativité que je propose aux patients. Il ne s´agit pas ici de créer des scènes fortes en émotions artistiques comme je chercherais á le faire avec des professionnels dans le but de mettre en scène une pièce pour public. Ici, le but est, selon moi la recherche d´une évolution vers le « mieux-être » du patient. Si en plus nous parvenons á des scènes de belles qualités émotionnelles et artistiques, tant mieux. La porte du studio reste ouverte á tous á n´importe quel moment. Ceux qui ne veulent que regarder sont aussi les bienvenus. Il est aussi possible de s´arrêter quand on sent que l´on en a assez. Nous avons choisi d´autoriser ce manque de rigueur pour permettre á tous d´aborder le travail avec leur propre rythme et á la mesure de leurs réticences. Je ne pense pas que ce soit une bonne solution sur le long terme, mais on verra plus tard. L´une des grandes craintes que racontent les patients, est la peur de ne pas bien faire et le regard des autres. Ils se rendent vite compte que l´atmosphère de travail est très détendue et personne ne se moque de personne. Au contraire, inspiré par le mode de travail de l´aïkido et du Kinomichi, je propose souvent à ceux qui sont á l´aise avec les mouvements travaillés, d´aider ceux qui éprouvent des difficultés. L´effet profitable de ce mode de travail se fait sentir dans les deux sens. Les débutants se sentent encadrés et aidés, et ceux qui aident les autres apprennent á mieux cerner ce qu´il enseignent.
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